Chasse Eternelle Chap.6
-Une Partie de Plaisir-

 
   

"Alors Yahvé dit à l'Adversaire: «Soit ! Il est en ton pouvoir; respecte seulement sa vie.»" - Job 1-2.

"Maya fut le premier de la Meute. La Flèche maudite a-t-elle montré au Chasseur la voie de la damnation ?" - Sumati, chevalier d'Argent du Paon.

 

"Allez, arrête un peu de faire cette tête Yaga...c'est une petite mission pour te mettre en train, c'est tout...
- De la diplomatie...on m'envoie MOI pour faire de la diplomatie !
- Bah...un peu de diplomatie, ça ne tue personne...
- Ah parce que TOI, tu t'y connais peut-être ?
- Eh bien...euh...un peu...
- C'est bien ce que je pensais..."

   Les deux chevaliers d'Argent étaient en route depuis deux semaines maintenant. Et une semaine à traverser de sombres forêts presque impénétrables, à longer des rivières et des fleuves glacés. Ils atteignaient parfois un hameau, et en profitaient pour se ravitailler et dormir un peu. Le soleil perçait peu, et de toute façon ne réchauffait pas beaucoup leurs corps fatigués par l'interminable marche. Mais à vrai dire, Yaga se sentait chez lui. Ces paysages, ce climat, ces gens, c'était ce qu'il avait connu enfant, avant d'être emmené de force au Sanctuaire. Il aimait l'odeur de la forêt, celle de la pluie, le contact de l'herbe sous ses doigts. Maya, lui, détestait.

"Assez, j'en ai assez ! Comment peut-on vivre dans des conditions pareilles !
- Tu sais, moi je me demande comment on peut vivre en Grèce...
- Mais ça n'a rien à voir ! Au moins là bas, il fait beau, chaud, il y a des arbres fruitiers partout...
- De quoi tu te plains ? Des arbres, il n'y a que ça ici !
- Des aiguilles ! Ils ont tous des aiguilles ! J'ai horreur de ça !
- Des épineux, il y en a aussi en Grèce...
- C’est pas la même chose ! Maya reçut une goutte d'eau sur le crâne. En fronçant les sourcils, il leva les yeux vers la voûte presque impénétrable que formait la cîme des arbres. Mais pas assez impénétrable pour retenir l'eau. Une seconde après, ce fut comme si toute la Méditerrannée tombait d'un seul coup sur les deux compagnons. Le chevalier de la Flèche n'en pouvait plus. Encore de la pluie ! Encore cette satanée pluie !
- Bah..une petite averse n'a jamais tué personne..."

   Maya éclata de rage. Yaga, lui, de rire. Un groupe très mal assorti, comme Dracon avait l'habitude d’en former, ou ordonnait à Proclès de le faire. Autant le chevalier de la Flèche aimait le soleil brûlant et l'agitation des cités, autant le chevalier d'Orion aimait la sauvagerie, et paradoxalement le calme, de ces contrées barbares. L'un jacassait sans cesse, l'autre était un incorrigible introverti. Mais les deux compagnons avaient commencé à s'habituer l'un à l'autre. Ou plutôt, Yaga commençait à le supporter. Les sautes d'humeur du petit Grec et sa naturelle insouciance l'amusaient beaucoup, mais jamais il ne l'avouerait. Après une heure de marche sous une pluie torrentielle, ils finirent par dénicher une cavité naturelle sous une gigantesque masse rocheuse et décidèrent de s'y arrêter pour la nuit, s'installant tant bien que mal sur un parterre d'aiguilles à peu près sec après avoir déposé leurs urnes à l'abri.

"J'ai froid...
- Arrête de te plaindre.
- J'ai faim...
- On a plus rien à manger.
- On avait qu'à se ravitailler.
- On a pas vu de village depuis quatre jours.
- Et pourquoi on a pas vu de villages, mmmh ? Yaga grimaça. Pour le coup, c'était un peu de sa faute, et il lâcha le morceau en marmonnant.
-...parce qu'on est passé par le chemin le plus compliqué...
- Ah oui ? Et rappelle-moi pourquoi ?
- PARCE QUE J'AI HORREUR DE LA MER !"

   Leur objectif se trouvait quelque part en plein coeur de la Gaule. Après avoir entendu l'ordre de mission de la bouche même du Grand Pope, Yaga était assez désorienté, tant par l'objet de la mission que par la destination. Il ne voyait vraiment pas ce qu'ils pourraient faire là-bas. La logique aurait voulu qu'ils profitent du départ d'un navire pour voyager par mer jusqu'au port de Massilia. Mais l'élève d'Agésilas avait fait des pieds et des mains pour obliger son compagnon à passer par une toute autre voie: droit à travers la Macédoine, avant de continuer par la terre. Bien que peu pratique et relativement absurde, la décision avait été motivée par deux choses d'égale importance: le chevalier d'Orion détestait prendre la mer, et le chevalier de la Flèche ne souhaitait en aucun cas se mettre son partenaire à dos. Mais l'itinéraire, bien qu'innaproprié, n'avait au départ pas été si désagréable que ça. Les hameaux étaient fréquents, la route dégagée, le ciel plutôt clément. Tout ça avait pris fin au fur et à mesure qu'ils s'enfonçaient dans les terres et traversaient le continent. Tant que les compagnons avaient assez de nourriture, tout allait bien. A présent qu'elle se faisait plus rare, l'ambiance oscillait en permanence entre tension véritable et chamailleries sans conséquences.

"Si Poséidon t'entendait, il te grillerait sur place !
-Arrêtes un peu tu veux...je ne vois pas ce que ton Poséidon pourrait bien faire...
- Poséidon, Empereur des Mers, Seigneur des Océans, tout ça tout ça....ça te dit rien ? Yaga soupira. Agésilas lui avait parlé des dieux, de leurs guerres et de leurs scènes de ménage un peu trop souvent à son goût.
- Si...
- Encore heureux !
- Si tu le dis...
- J'ai faim, lâcha Maya d'un air boudeur après quelques secondes.
- Tu vas pas recommencer...
- Oh que si.
- Je te préviens, si tu ouvres encore la...Il fut interrompu brutalement par le doigt du chevalier de la Flèche qui pointa en direction de ce qui sembla être un providentiel messie.
- Encore heureux que ce fichu pays soit envahi par ces bestioles !"

   Et le jeune Grec se leva d'un bond et courut après le sanglier apeuré à une vitesse insensée, pénétrant dans l'épaisse forêt sous une pluie battante. Totalement pris au dépourvu, Yaga finit par se lever en catastrophe pour le suivre tant bien que mal. Il le rattrapa avec peine, restant quelques mètres derrière, alors que l'animal courait aussi vite qu'il pouvait, renversant les arbustes et faisant sans cesse des embardées pour tenter de semer son implacable poursuivant. Sous le regard ahuri du chevalier d'Orion, Maya se faufilait tel un serpent entre les arbres, sautant tantôt de branches en branches, tantôt se déportant pour esquiver les ronces sur sa route. On eut presque dit un fantôme, passant où bon lui semblait à travers une végétation incapable de le stopper. Il n'aurait jamais cru ça de ce maladroit bavard. Le Grec pila soudain et tourna vers lui un visage encore plus étonnant. Yaga découvrit une autre facette de sa personnalité: son sourire en disait long sur le plaisir qu'il prenait en ce moment, et ses yeux grand ouverts, joyeux, reflètaient une excitation presque malsaine. La pluie ne le gênait plus, il ne se préoccupait même pas de ses cheveux détrempés plaqués sur son front, lui masquant presque la vue.

"Je vais prendre le dîner à revers, toi tu le poursuis !"

   Avant que Yaga n'ait pu répondre quoique ce soit, son partenaire de chasse improvisée s'éclipsa à nouveau. Le chevalier d'Orion secoua la tête pour se remettre les idées en place. Maya avait raison, et il était hors de question que lui-même reste en arrière. Il se précipita à nouveau à la poursuite du sanglier, le suivant facilement grâce au vacarme qu'il faisait. A quelques mètres, une silhouette immobile, adossée à un arbre, observait les réactions des deux chevaliers. Protégé de la pluie par un vieux manteau gris élimé, l'homme avait du mal à ne pas rire. Il tourna la tête vers les trois ombres qui suivaient discrètement les émissaires du Sanctuaire. Il avait hâte d'admirer le spectacle.

   Plus à l'est, sous des lattitudes nettement plus ensoleillées,, le chevalier d'Or Proclès s'inquiétait pour son ami. Le Grand Pope, en quelques semaines, semblait avoir vieilli de plusieurs dizaines d'années, rongé par les doutes et la tristesse. Dans la salle du trône de Dracon se tenait une assemblée peu commune à cette époque. Mais les temps avaient changé. Aux côtés de Proclès du Taureau, se tenaient Agis des Gémeaux, Pausanias de la Balance, Hippias du Capricorne, Prytanis du Verseau et Charilaos des Poissons. En plus de cet important rassemblement, étaient présents Akka du Cerbère, Soped du Grand Chien et Enki de la Coupe, trois parmi les plus anciens chevaliers d'Argent. A la gauche de Dracon se tenait Kothar, le grand alchimiste du Sanctuaire. Chargé de la réparation des armures et du maintien de tout ce qui avait un quelconque rapport avec le cosmos, c'était un véritable puit de science, aussi intelligent qu'acâriatre. Ses yeux gris et perçants scrutaient tour à tour tous les chevaliers présents, et la plupart se sentaient mal à l'aise en sa présence. A vrai dire, il était là depuis tellement longtemps que personne au Sanctuaire ne pouvait se souvenir d'une époque où il ne figurait pas parmi les meubles. Et sa longue et épaisse barbe blanche qui masquait une partie de son visage ne faisait rien pour arranger cet état de fait.

"Et que devrions-nous faire, Grand Pope ? Nous ne parvenons ni à les identifier, ni à les localiser.
- Il faut continuer Pausanias. Les traquer et en apprendre plus sur eux.
- Plus ? Plus que quoi ? Nous n'avons aucune informations sur ces guerriers !"

   Prytanis n'en pouvait plus. Cela faisait presque deux semaines qu'il ne cessait d'arpenter tout le pourtour du bassin maritime, le plus rapidement possible. Même si les chevaliers, et plus encore les chevaliers d'Or, pouvaient atteindre des vitesse démentielles, il était dangereux, voire suicidaire de maintenir une allure trop élévée trop longtemps. Ils restaient mortels, après tout. Aucun corps ne pouvaient supporter ça. Et Prytanis était presque à sa limite. Toutes les personnes présentes pouvaient voir que son enveloppe avait subie des dommages. Depuis l'arrivée de plusieurs chevaliers de Bronze au Sanctuaire, le chevalier d'Or s'était lancé dans une course effrénée pour débusquer ces chevaliers en armures noires, sans succès.

"Ce n'est pas tout à fait exact, Chevalier Prytanis. Le vieux Kothar s'avança un peu et tira des plis de sa robe noire bordée d'or un casque noir, celui qu'avait rapporté le chevalier du Petit Lion. il le leva à hauteur de son visage pour que tous puissent le voir, et reprit la parole. Nous avons des informations sur eux. D'après les descriptions que les chevaliers de Bronze ont pu nous fournir, nous sommes convaincus que ces hommes portent des armures identiques aux vôtres.
- Identiques ?! Nous avons tous constaté que de simples chevaliers de Bronze ont pu les vaincre. Si leurs armures étaient identiques aux nôtres je...
- Il n'y a pas que des chevaliers d'Or au Sanctuaire, Chevalier Agis. Laissez votre orgueil de côté un instant et écoutez-moi...sans réagir autrement que par le dédain à la colère du chevalier des Gémeaux, il reprit du ton du précepteur qui enseigne des choses simples à des gamins incultes. Ces armures noires ont l'apparence et le potentiel des armures sacrées d'Athéna. Elles sont capables de recouvrir et de protéger leurs porteurs aussi bien qu'une armure de Bronze ou d'Argent, voire une armure d'Or. Devant les yeux ronds des chevaliers assemblés devant lui, il s'autorisa un sourire, satisfait d'avoir obtenu l'effet désiré. Elles sont de la même confection, peuvent être réparées de la même façon et...
- Puis-je savoir comment vous pouvez en être sûr ? Kothar regarda Charilaos de l'oeil du père prévenant envers un fils un peu simple d'esprit, avec un sourire du même accabit.
- Chevalier Charilaos, je pense que vous savez aussi bien que moi que mes connaissances en la matière sont certainement un peu plus développées que les vôtres. Si je vous dis que nous sommes certains, c'est que nous le sommes. Silencieux depuis le début, les chevaliers d'Argent regardaient en l'air, plaignant les plus jeunes chevaliers d'Or qui n'avaient pas vraiment l'habitude de la présence du vieil alchimiste. Je disais donc, avant d'être interrompu, que ces protections sont similaires à celles du Sanctuaire, et fonctionnent exactement de la même façon. Ou presque.
- Ils 'agit donc d'une menace sérieuse, les rapports faisant état de groupes assez importants.
- Sérieuse, je ne sais pas Chevalier Proclès. Même si on ne peut nier de frappantes ressemblances, il y tout de même quelque chose en notre faveur, si j'ose dire...ce casque, rapporté par le Chevalier Calchas, a été réparé par nos soins. C'est celà qui nous a permis d'en savoir plus. Il a été une source précieuse d'informations. Ces armures sont fragiles. Et pourtant ce casque est la copie parfaite de celui de l'armure d'Argent du Cocher.
- Une copie d'une Armure d'Argent ? Mais comment auraient-ils pu faire ça ?
- Nous ne le savons pas encore, Chevalier Proclès. Toujours est-il que cette copie n'est pas plus résistante qu'une armure de Bronze, si on prend cette pièce comme référence. Nos adversaires sont donc loin de disposer de protections suffisantes face au Sanctuaire. Il y a en outre quelque chose d'autre. Tous sentirent soudain le cosmos de Kothar s'embraser, et le casque commença à s'émietter, de plus en plus vite, avant de disparaître dans une gerbe de cosmos d'une couleur mordorée. En plus d'être fragile, ces armures n'ont aucune âme. Contrairement aux vôtres, elles ne sont pas capables d'intéragir avec leurs porteurs. Ce ne sont que de vulgaires protections magiques, pourrait-on dire.
- On ne mesure pas les compétences d'un guerrier à la qualité de sa protection, Kothar.
- Je le sais bien, Grand Pope.
- Il va falloir se préparer à des temps difficiles. A partir de maintenant, aucun chevalier ne devra se déplacer seul. Tous ceux n'ayant pas de missions spéciales doivent être rappelés immédiatement, quelque soit leur rang. Les chevaliers de Bronze serviront désormais de soutien aux chevaliers d'Argent et d'Or.
- Pardonnez-moi, Grand Pope, mais je ne pense pas que les chevaliers d'Or risquent grand chose en affrontant cet ennemi.
- Il suffit Agis. J'ordonne, et je te conseille vivement de ne pas me contredire. Dracon commençait à être sérieusement agacé par les petits caprices de chacun, et le ton de sa voix, malgré sa grande lassitude, ne laissait aucun doute à ce sujet. Agis ne put que s'incliner en signe d'excuse.
- Grand Pope, qu'allons-nous faire pour Yaga, Maya et Jaow ? Nous ne pourrons pas les contacter. Dracon se radoucit d'un coup, et sourit derrière son masque.
- Il n'y a rien à craindre pour les chevaliers d'Argent, Akka. Quant à Jaow, il est parti depuis presque deux semaines. Il ne devrait pas tarder à arriver à destination.
- Etait-il bien sage d'envoyer seul un chevalier de Bronze pour un tel voyage dans ces conditions ? Soped du Grand Chien ne put réprimer un petit rire, et prit la parole pour la première fois.
- Mon élève veut faire ses preuves. Ne vous en faites pas pour lui, il s'en sortira très bien.
- Grand Pope, nous n'avons toujours pas eu de nouvelles des chevaliers de Pégase et de la Licorne. Que devons-nous faire ?
- Soped, part à leur recherche. Tu emmeneras Calchas et Numitor. Partez sur-le-champ.
- A vos ordres."

   Le chevalier du Grand Chien s'inclina et repartit en direction de la sortie. Une fois que la grande porte fut fermée, Dracon donna ses derniers ordres et ordonna à tout le monde de sortir. Seuls Proclès et Kothar restèrent. Le Grand Pope soupira, puis ôta son masque et son casque. Ses traits étaient tirés, ses yeux rouges, il était épuisé. Les sentiments que reflètaient ses yeux oscillaient entre colère et appréhension. Il avait de plus en plus de mal à tenir certains de ses éléments, et aucune des personnes présentes ne l'ignoraient, ni n'ignoraient sa colère .

"Il faut faire quelque chose Dracon. Cette situation ne plus plus durer.
- Il faut bien admettre que je suis d'accord avec Proclès, pour une fois. Une partie de tes chevaliers prend un chemin des plus obscurs. Entre leur vanité et leur arrogance, il n'ont plus la place pour se préoccuper de ce qui devrait leur importer plus que tout. Quant à ceux qui restent, ils sont tellement têtus ou empotés qu'ils sont incapables de tenir tête.
- Tu vas trop loin Kothar. Ils sont jeunes, la plupart se laissent convaincre par quelque chose ou quelqu'un qui leur inculque la haine et le mépris. Et n'oublie pas qu'une bonne partie d'entre eux viennent d'autres pays. Eux ne se laisseront pas gagner par de tels maux.
- A ta place, je surveillerais quand même le chevalier des Gémeaux. Son extrêmisme me ferait presque peur. Le pauvre, il se croit invincible dans son armure d'Or..."

   A l'extérieur, les discussions allaient bon train. Alors qu'Agis des Gémeaux s'en était retourné immédiatement dans sa Maison, Pausanias, Charilaos et Enki essayaient de convaincre sans succès Prytanis de se reposer et de se laisser soigner. Akka harcelait Hippias à propos de ce qui s'était passé avec les chevaliers de Bronze.

"Prytanis, tu ne peux pas continuer comme ça, tu va finir par t'écrouler raide mort !
- Pas la peine Charilaos, il faut qu'on trouve ces chevaliers et qu'on leur mette une bonne râclée, une bonne fois pour toute !
- Tu tiens à peine debout. Je suis presque sûr que tu n'arriveras même pas jusqu'en bas dans ton état.
- Alors là, mon pauvre Pausanias, tu te fais des idées...je repars dès maintenant, et ce n'est pas vous qui pourrez m'en empêcher !"

   Le chevalier du Verseau fit quelques pas, manqua de trébucher, puis repartit en se donnant une contenance.

"Il va tomber dès les dix premières marches. Pausanias appréciait beaucoup Prytanis, pour son courage, sa volonté et son formidable dévouement. Mais comme beaucoup de leurs camarades, sa tête était plus dure que le marbre du palais du Pope, et rien ni personne n'arriverait à le faire changer d'avis. Pas tant qu'il serait conscient.
"Enki, tu crois qu'il...demanda Pausanias sans lâcher des yeux le dos de son ami, mais sans pouvoir achever sa phrase.
- Sans problème. Il a effectivement la tête au moins aussi dure que du marbre. Le chevalier de la Coupe sourit en voyant Pausanias grimacer. Ce dernier avait encore oublié sa capacité plus ou moins contrôlée à littéralement lire l'esprit des gens. Et le chevalier de la Coupe avait très bien compris l'idée.
- Charilaos, assomme-le.
- Aussitôt dit..."

   En un éclair, le chevalier des Poissons avait effectué une gestuelle précise de ses doigts, et son camarade Prytanis se retrouva paralysé. A ce niveau, jamais une telle technique n'aurait pu aussi facilement bloquer un guerrier de cette trempe, mais le Verseau était déjà très affaibli. Des courants de cosmos, insaisissables et diffus, entouraient les membres de la pauvre victime, l'empêchant d'effectuer le moindre mouvement. Prytanis mit une bonne demi-seconde avant de comprendre ce qui se passait. Se tordant le cou pour pouvoir regarder les trois chevaliers, il jeta un regard plein de reproche et de colère à Charilaos tout en se débattant le plus possible. Les courants de cosmos, bien que puissants, ne pourraient retenir très longtemps un chevalier d'Or, et ils le savaient bien.

"Charilaos, tu me lâches tout de suite ou je te..."

   La suite n'eut jamais le temps de sortir de sa bouche. Le chevalier d'Or était déjà sur lui et lui assèna un coup sec sur la nuque. Assommé, le Verseau ne tomba cependant pas, retenu par les courants de Charilaos. Son ami le soutint avant de dissiper son arcane. Enki s'approcha, et aida le chevalier d'Or à porter leur ami. Pausanias les laissa partir, puis s'intéressa enfin aux chevaliers du Capricorne et du Cerbère. La discussion semblait vive, les deux hommes ayant toujours eu quelques problèmes relationnels. Le Cerbère, un chevalier d'Argent de très grande expérience, avait beaucoup de mal à supporter la désinvolture quotidienne du chevalier Hippias.

"Une dernière fois, j'aimerais savoir ce qui s'est passé !
- Je n'en sais rien Akka. Rien du tout. Quand je suis arrivé sur place, il ne restait qu'un chevalier de Bronze vivant, je te l'ai déjà dit.
- Et comment se fait-il qu'ils ne l'aient pas achevé ?
- Je n'en sais rien. On en a déjà parlé...
- Et tes réponses ne me suffisent pas !
- Arrêtes Akka. Si Hippias te dit qu'il n'en sait pas plus, écoute-le s'il te plaît."

   Akka tourna son regard vers le chevalier de la Balance, et finit par entendre raison. Même si Pausanias était bien plus jeune que lui, à peine 27 ans, il faisait toujours preuve d'une grande sagesse. A croire que l'armure de la Balance, garante de l'équilibre, y était pour quelque chose. Le Cerbère se détourna et commença à son tour à descendre les marches. Pausanias restait seul avec Hippias, qui semblait anormalement maussade.

"Ne lui en veut pas, Hippias. Il ne fait que s'inquiéter pour nous tous.
- Je le sais bien. Mais quand se décidera-t-il à comprendre que je n'ai rien d'autre à lui dire..."

   Lui aussi s'éclipsa. Le chevalier d'Or de la Balance resta seul à contempler le coucher de soleil sur les pierres blanches du Sanctuaire. Avec un soupir, il se demanda brièvement ce qui rendait tout le monde fou.

   A l'ouest, une course effrenée se déroulait sous une pluie battante. Une course dont l'enjeu était la vie: celle d'un sanglier, ou celle de deux chevaliers affamés. Yaga courait comme un dératé, esquivant au mieux les branches et les racines, tout en se focalisant sur l'animal. Qui fit une embardée pour éviter un arbre, lequel faillit intercepter Yaga de plein fouet. Le pauvre chevalier d'Orion faisait de son mieux, mais impossible de rattraper le dîner. "Sale bête" fut la seule chose qui lui vint à l'esprit à ce moment. Mais s'il commençait à fatiguer, il en allait de même pour la proie. Elle ralentissait progressivement, et Yaga décida de tenter sa chance. Sautant sur un rocher pour prendre de la hauteur, il se jeta en avant, dans le but évident d'atterrir droit sur sa cible. avec un grand sourire de satisfaction, il se prépara à l'immobiliser. Mais ses mains ne touchèrent jamais le sanglier: ce dernier fut brutalement fauché en pleine course par une flèche, et fut projeté de côté par la violence de l'impact. Le chevalier d'Orion s'écrasa face contre le sol, dans la terre détrempée parsemée d'aiguilles de cônifères. Deux secondes plus tard, Maya venait lui tapoter le dos du pied.

"C'est pas le moment de dormir ! Le dîner est servi...ou presque...Eh, tu m'écoutes ?! Son camarade se levait lentement, les vêtements maculés et le visage plein de terre. Le chevalier de la Flèche eut un léger mouvement de recul, avec un grand sourire forcé.
- Je vais te tuer Maya. J'hésite encore entre te tordre le cou et te noyer dans la boue, mais je vais te tuer."

   Trente minutes plus tard, ils étaient -presque- au sec, à l'abri dans la cavité rocheuse où ils avaient laissé leurs urnes. Se réchauffant tant bien que mal à un maigre feu de camp improvisé, Maya ne lâchait pas des yeux le morceau de viande en train de griller -trop- doucement au bout d'une branche. Il avait une faim de loup, et il commençait à se demander si, crû, ça ne serait pas tout à fait comestible. Son camarade le fixait d'un oeil mauvais, mais il avait décidé de ne pas s'en préoccuper. En tout cas pas tant qu'il aurait l'estomac vide. Quand enfin Yaga se décida à lâcher un mot, le Grec fut plus que surpris. Autant par la période de rancoeur, la plus courte depuis trois semaines, que par la question, lui qui s'attendait plutôt à une tirade de nouveaux reproches.

"Comment tu as fait ?
- Comment j'ai fait quoi ?
- La flèche...comment tu as fait ?
- Ah...ça..."

   Il tendit la main, paume vers le ciel, et se concentra. Yaga put sentir son cosmos s'élever, tandis que l'air vibrait autour de la main de Maya. Des tourbillons de cosmos se formèrent, et adoptèrent rapidement une forme allongée, fine et acérée. Une seconde après, reposait au creux de la main du Grec une flèche d'un acier bleutée, parfaite, légèrement luisante. Avec un sourire, Maya la jetta à son camarade qui la rattrapa nonchalamment pour l'examiner. Elle était parfaitement réelle, solide, froide au toucher. Yaga était impressionné. Un Grec bavard, maladroit et pénible, venait de créer ex nihilo un objet tangible. Et dangereux.

"Impressionnant. Franchement.
- Tu trouves aussi ?
- Mais ça ne m'aide pas à comprendre...
- Mmmmh...voyons voir...Maya remit quelques brindilles sèches sur le feu pour l'attiser un peu, puis renifla avant de reprendre. Le cosmos est présent partout et en toute chose vivante. C'est de lui dont nous tirons toutes nos forces. Tous le possèdent, mais peu sont capables de le développer réellement. Il demeure à un stade résiduel chez la plupart des humains, ainsi que chez les animaux. Nous le partageons également avec les dieux eux-même, qui ont atteint le stade ultime en ne faisant qu'un avec la nature même du cosmos. Finalement, ce qui nous sépare des dieux, c'est simplement la capacité à manipuler le cosmos à l'échelle de l'univers. Pouvoir l'étendre encore et toujours, et s'en servir pour agir sur la réalité. Si un humain parvient à intensifier son cosmos de manière suffisante, et surtout à l'appréhender de manière parfaite, il peut atteindre un statut divin à son tour. Le cosmos a pour principe d'agir sur la matière. Faciliter la destruction d'une pierre, fendre l'air et l'eau. Et si le cosmos peut briser la matière, il est logique qu'il puisse la modeler. Mais si il est facile de détruire, il l'est nettement moins de créer. Il est illusoire d'espérer atteindre une compréhension parfaite du cosmos, mais nous pouvons essayer, et tendre vers la perfection en modelant la matière au lieu de la détruire, en créant au lieu d'annihiler.
Maya retira le morceau de viande du feu et se brûla au passage. En poussant de petits cris de douleur, il secoua vigoureusement sa main avant de la plonger dans une anfractuosité de la roche gorgée d'eau de pluie. Après un soupir de soulagement, il finit par mordre dans sa pitance puis regarda son camarade, qui le regardait avec des yeux ronds, complètement ahuri.

"Quoi, qu'est ce que j'ai fait ? Articula-t-il vaguement, la bouche pleine.
- D'où...d'où tu sors ce discours ? Yaga était encore sous le choc. Il y avait trop de Maya différents qui cohabitaient dans le même corps, entre l'andouille, le chasseur et le penseur. Maya mordit encore une fois, puis reprit, presque incompréhensible.
- Leçon de mon maître. J'ai du toutes les apprendre par coeur...
-...la philosophie c'est bien beau, mais ça ne m'aide pas à comprendre...
- Concentration, concentration. Pour intensifier ton cosmos, tu te concentres non ? Hochement de tête du chevalier d'Orion. Eh bien tu fais pareil, mais au lieu de penser à la tête de ton adversaire qui explose, tu penses à l'objet que tu veux créer.
-...ça m'étonnerait que ce soit aussi facile...
- Des années d'entraînement !
-...et...ça marche avec autre chose que des flèches ?
- Je te rappelle que je suis le chevalier d'Argent de la Flèche, au service de la déesse de la guerre et de la sagesse, Athéna ! Que voudrais-tu que je fabrique ! Des roses peut-être ? Maya secoua la tête et engloutit le dernier morceau de sanglier, avant de saisir une nouvelle branche, en faisant attention de ne pas se brûler cette fois.
-...donc, tu ne sais rien faire d'autre...
-...euh...non...
- Je m'en doutais un peu..."

   Vexé, Maya mâcha rageusement sa pièce de viande, sous le regard amusé de Yaga. Il n'était plus fâché, au contraire. Avec un sourire, il se rapprocha du feu et prit à son tour, avec précaution, sa part de nourriture avant que le Grec n'avale tout. A l'abri de la pluie sous plusieurs dizaines de tonnes de roche, ils regardèrent le ciel se déchaîner une bonne partie de la nuit.

   Comme souvent après un orage spectaculaire, le temps s'était considérablement dégagé, et Maya respirait enfin. Le soleil, au zénith, diffusait enfin un peu de chaleur, sans pour autant atteindre les températures caniculaires que connaissait la péninsule grecque. Mais le chevalier de la Flèche n'était pas à quelques degrés près. Rassasiés et reposés, les émissaires du Sanctuaire étaient de bonne humeur. Le sanglier de la veille était trop gros pour être emmené, mais ils s'étaient appliqués à conserver autant de viande que possible. Plus tôt dans la journée, ils étaient tombés sur une rivière glaciale, où ils avaient pu remplir leurs gourdes. Yaga en avait également profité pour nettoyer ses vêtements de voyage et prendre un bain mérité. Maya, qui défaillait à la vue du moindre point d'eau dont la température était inférieure à 20°C, préféra aller chasser. Il était revenu avec deux lièvres qui s'étaient ajoutés à leurs provisions désormais bien fournies. Progressant à présent sur une route dégagée et large, ils semblaient n'avoir rien à craindre. Ils en auraient presque oublié leur mission. Presque.

"Je ne vois quand même pas ce qu'on vient faire là. Depuis quand les chevaliers d'Argent sont-ils envoyés pour des missions de ce type ? Ce Dagda n'est qu'un petit chef de clan, non ?
- Ahem...non, pas vraiment. Dagda fait partie de ceux dont le cosmos s'est spontanément éveillé. Il a rapidement pris la tête de sa communauté, et se prend plus ou moins pour un chef spirituel...
- Tu dis qu'il s'est éveillé au cosmos ?
- Oui, enfin c'est qu'on m'a dit.
- Et pourquoi on ne m'a rien dit à moi ? Le Grand Pope aurait au moins pu nous prévenir...
- Tu lui demanderas au retour...en attendant, ce n'est pas pour rien qu'il a envoyé deux chevaliers d'Argent. Dagda n'est pas quelqu'un qu'on peut se permettre de prendre à la légère. Il s'est mis en tête d'étendre son influence sur toutes les communautés environnant la sienne. C'est pour ça que le Sanctuaire nous envoie. Après tout, c'est aussi son rôle de veiller à ce qu'un certain équilibre règne sur Terre...
- Et tu crois qu'un pauvre petit chef de clan pourrait mettre en déséquilibre quoi que ce soit ? Franchement...
- Bah, on suit les ordres et on verra bien.
- C'est bancal.
- Ne t'en fais pas...même si ce type est fort, il y a quelque chose que nous avons et lui pas.
- Et c'est ?
- Nos armures...fais-moi confiance, ce sera une vraie partie de plaisir."

   Loin au nord, un chevalier de Bronze grelotant s'approchait tant bien que mal du gigantesque pont qui reliait les pays du Nord au reste du monde. Emmitoufflé dans un épais manteau de laine qu'il avait dû âprement négocier quelques jours auparavant, il jurait de temps en temps, entre deux claquements de dents. Ca faisait des heures qu'il voyait la monstrueuse structure de pierre à l'horizon, qui enjambait fièrement un bras de mer déchaîné, et il avait l'impression de ne pas avancer. Mais maintenant qu'il pouvait apercevoir les sentinelles de Bifrost, Jaow était un peu rassuré. Un peu. Il connaissait vaguement l'histoire et les légendes qui entouraient ce Nord tellement lointain, et il s'était laissé entendre dire que des monstres mythologiques vivaient toujours dans ces contrées enneigées. Mais il ne savait pas grand chose d'autre, et ça l'inquiétait un peu. Encore quelque pas, et il pourrait se présenter devant les gardes. Mais le chevalier du Lynx vit avec appréhension ces derniers lever leurs armes. Il n'avait pas encore ouvert la bouche qu'il avait déjà l'impression d'avoir fait une bourde.

"Attendez, je ne...
- Nous savons qui vous êtes ! Un chevalier d'Athéna !
- Euh, c'est exact, je...
- Que venez-vous faire ici ?
- Euh, je...je viens apporter un message au chevalier Euryphon...Jaow ne savait que dire. Il n'avait aucune intention de véléité mais ses interlocuteurs n'avaient pas l'air du même avis. C'est avec soulagement qu'il vit un homme enveloppé dans une cape d'un bleu profond, soulignée d'un liseret doré à sa base, s'approcher à quelques mètres en reprenant ceux qui semblaient être ses subordonnés.
- Laissez-le passer.
- Mais...
- Laissez-le. Il ne pourrait pas faire grand chose tout seul de toute façon.
- A vos ordres."

   Les gardes baissèrent leurs lances, mais ne se départirent pas de leur méfiance. Jaow passa rapidement entre eux pour rejoindre l'homme qui l'avait secouru. Un jeune homme, un peu plus vieux que lui, au visage chaleureux. Sa cape dissimulait mal une vestimentaire simple mais de très grande qualité. Un membre de la noblesse, probablement. D'un mouvement de tête, il encouragea le chevalier de Bronze à le suivre, et ils commencèrent à traverser Bifrost. Le Lynx ne pouvait s'empêcher de jeter des coups d'oeil anxieux vers la mer. Une telle fureur ne pouvait pas être naturelle, des vagues monstrueuses venaient s'écraser inlassablement contre les piliers de pierre soutenant le pont. Jaow ne savait pas comment la structure pouvait résister à toute cette eau. Et pourtant, le pont semblait stable. Et solide. Celà, il l'avait constaté bien auparavant, mais maintenant qu'il était directement confronté à la colère des eaux, il put confirmer la chose. Et s'en réjouir.Un silence gênant s’était installé, et Jaow en était presque plus troublé que par les vagues. Son sauveur était si discret qu’il ne l’entendait même pas marcher, ne sentait même pas sa présence. Et pourtant, ses cheveux blonds coupés courts se voyaient parfaitement malgré la neige que les bourrasques faisaient inlassablement tourbillonner. Il était juste...discret. N’en pouvant plus, Jaow s’éclaircit la gorge et adressa la parole au jeune noble.

"Je vous remercie pour votre aide. Je ne pensais pas que...
- Pas la peine. Nous nous devons d’accueillir les ambassadeurs du Sanctuaire, malgré les agissements de certains.
- Euuuh...j’ai peur de ne pas comprendre.
- Votre supérieur a eu quelques problèmes avec les gens d’Asgard. Pas étonnant qu’ils aient une dent contre vous.
- Mais j’ai rien fait moi ?! Je ne suis même jamais venu ici !
- L’urne que vous portez sur le dos suffit largement à faire un parallèle avec le chevalier d’Or du Scorpion."

   Jaow retomba dans le silence. Il n’avait pas envie d’en savoir plus, ni d’être responsable des bêtises d’un chevalier d’Or. Et pourtant, c’était bien à cause de lui qu’il était ici. Il n’était venu que pour le chevalier Euryphon, qui aurait dû donner signe de vie quelques jours après la date supposée de son arrivée. Ce ne fut pas le cas, et une semaine après le départ du Scorpion, ce fut au Lynx de prendre la route. En réalité, il avait tellement harcelé son maître que ce dernier avait accepté de le proposer pour cette mission. A 15 ans, dans une époque de paix relative, il s’ennuyait ferme. Depuis deux ans qu’il avait obtenu son armure, il n’avait pour ainsi dire rien fait. Rien de passionnant en tout cas. Mais il avait vite commencé à regretter, à mesure que la température chutait. Il savait qu’un chevalier devait pouvoir supporter des conditions extrêmes, mais il y avait tout de même des limites. En serrant les dents, il réajusta son épais manteau, qu’il avait réussi à obtenir contre quelques pièces. Ses dernières. Pour s’apercevoir plus tard qu’il s’était fait avoir : le manteau était plein de puces.

"Il fait froid, n’est-ce pas ? L’homme d’Asgard l’observait, et il ne s’en était pas rendu compte. Décidemment, le froid n’engourdissait pas que les membres.
- Ou...ou...oui. Jaow réussit vaguement à articuler entre deux claquements de dents. Il lui semblait que le froid s’intensifiait encore, si la chose était possible. Et pourtant son protecteur temporaire ne semblait pas souffrir le moins du monde. Mais...mais...mais comment vous faites ? C’est pas hu...hu...humain ce...ce cli...climat...Effectivement, ça empirait vraiment.
- Les hommes vivent où ils trouvent la place de le faire. Mon peuple, à défaut d’apprécier le froid, a au moins appris à en supporter les conséquences. Question d’habitude. Il tourna la tête vers l’ouest, et sans s’arrêter de marcher pointa son doigt vers une chaîne de hautes montagnes, étrangement distinctes malgré la neige, et les nuages. Les Géants soufflent forts aujourd’hui.
- Hein ? Jaow, le cerveau mis à mal par la température, n’essaya même pas de comprendre par lui-même. Il se contentait de regarder d’un air absent dans la direction indiquée.
- Les Géants qui habitent Jotunheim. Un des pays frontaliers d’Asgard.
- Des Gé...Géants ? Ca...ca exi...existe encore ça ? Son guide improvisé eut un petit rire joyeux.
- Au dernières nouvelles, oui...mais on n’en a plus vu depuis des dizaines d’années.
- Et...pourq...pourquoi ce serait les...Gé...Géants...les responsables de...ce froid ?
- Il faut bien qu’il y ait une raison pour qu’on les appelle les Géants du Froid non ?
- Euuuh...oui..."

   Terrassé par tant d’évidence, Jaow cacha tant bien que mal son visage dans la laine infestée de puces pour essayer de réchauffer son nez qui, à ce rythme, ne tarderait pas à tomber et se briser au sol. Il se sentait bien seul sur ce gigantesque pont de pierre, dont les blocs monstrueux formaient un ensemble de plusieurs centaines de mètres de long, et dont la bonne quarantaine de mètres de large laissait à ses utilisateurs tout loisir de tituber, ivres morts, si ça leur chantait. Une impression bizarre le traversa brièvement, quand il arrivèrent à proximité d’une tour, partie intégrante du pont, se situant visiblement à son centre. Levant les yeux quelques instants vers le haut de la structure, il se sentit littéralement tranpercé par une présence, qu’il trouvait parfaitement malveillante. Une fugace silhouette, fantômatique et à peine humaine, avait à peine dardé sur lui ses yeux rougeoyants qu’elle disparut en un battement de cils. Replongeant dans le manteau, Jaow eut confirmation de sa première impression : le voyage ne serait peut-être pas amusant du tout, en fin de compte. Après de longues minutes, d’un pas que le chevalier de Bronze commençait à trouver traînant, ils finirent par arriver à l’autre rive. Point de gardes en vue, juste une armure très massive, bleutée, à l’aspect agressif renforcé par les multiples lames, courtes et trop acérées au goût du Lynx, qui agrémentaient la protection notamment aux genoux et aux coudes. Le tout surmonté d’une petite tête...féminine. Haussant un sourcil, Jaow tenta de faire fonctionner sa cervelle un moment pour expliquer comment une femme pouvait porter pareil bardas, mais finit par abandonner. Après tout, les coutûmes locales ne le concernaient pas. Du moins c’est ce qu’il crut jusqu’à ce que la dame, engoncée dans son armure mais visiblement pas le moins du monde gênée, combla précipitamment les quelques mètres qui les séparaient, l’air mécontente et le poing brandi d’une façon peu amicale. Les capacités intellectuelles du chevalier de Bronze se réveillèrent momentanément en se rendant compte de la situation, en tout cas suffisamment pour bien en assimiler les conséquences immédiates. Le poing dressé, le coup armé, le bras jeté en avant, il n’eut pas le temps de réagir. Juste de prononcer silencieusement, entre deux claquements de dents, une petite prière à Athéna. Il ferma les yeux, attendant l’impact mortel qui ferait exploser sa boîte crânienne gelée en mille morceaux. Il entendit bien le bruit du métal percutant violemment un crâne, puis un cri, mais à moins que le froid n‘ait détruit ses nerfs, il lui semblait bien n’avoir pas été touché, et il ne pensait pas non plus avoir crié. Prudemment, il ouvrit un oeil et se tourna, pour contempler son sauveur étendu au sol, se massant la joue avec précaution. Un regard stupéfait vers l’agresseur, Jaow se figea, de peur de recevoir la part qui pourrait bien lui revenir.

"Mais qu’est ce qui te prends encore ?!
- Je t’ai déjà dit de ne pas traîner sur le pont ! La dame était furieuse. De ce que Jaow distinguait, c'est-à-dire un visage, elle ne devait pas avoir plus de 20 ans.
- Mais je fais ce qu’on m’a demandé de faire, je vois pas ce que...
- Tu ne l’as pas fait assez vite ! Ca t’amuse de prendre ton temps ?
- Mais il est frigorifié, il était lent, je n’allais pas le laisser au milieu tout se...il se tut, l’air anxieux, quand celle qui le traitait comme un gamin, se tourna brusquement vers le Lynx.
- Mais c’est quoi ça encore ?! Comme si elle ne l’avait remarqué qu’à l’instant, elle étudia l’émissaire du Sanctuaire de la tête au pied, ne prenant même pas la peine de retenir un moue de dégoût en voyant le manteau miteux. Ils embauchent des clochards au Sanctuaire ? L’autre avait meilleure allure quand même.
- Je crois que c’est un chevalier de Bronze, vu le cosmos qu’il dégage. L’échelon le plus bas. Je ne pense pas qu’ils aient beaucoup de moyens, alors...
- On s’en moque ! C’est écoeurant ! Petrifié, Jaow écoutait le drôle de couple faire son numéro et le traiter comme un moins que rien. Il était tellement stupéfait qu’il ne sentait même plus le froid. Allez, ramène ça au Walhalla, et fait le entrer par derrière. Va falloir le rendre présentable."

   Sur ces paroles, la furie tourna talons et planta les deux hommes là, dans la neige. Regardant la chevelure brune s’agiter dans l’air en cadence avec le pas infernal de la dame, Jaow, héberlué, sursauta quand il entendit la voix du jeune noble. Ce dernier s’était relevé, et époussetait ses vêtements qui, ayant séjourné une bonne minute dans la boue, n’avaient eux plus rien de présentable. Avec un sourire un rien forcé, il regardait le chevalier de Bronze de l’air de celui qui a subi une plaisanterie douteuse.

"Elle a l’air un peu brusque comme ça, mais faut la connaître un peu. Elle est pas méchante, juste un peu...
- ...vive...
- C’est ça !
-...mais...c’est une femme...
- Il me semble bien que oui. Pourquoi ?
- Les femmes, se battent, chez vous ?
- Ben...oui. Pourquoi ?
- Elles frappent leurs supérieurs aussi ?
- C’est elle mon supérieur. Devant l’air effaré du chevalier de Bronze, il crut bon de rajouter un mot. Mais les officiers supérieurs n’ont pas à frapper leurs subalternes de toute façon. C’est par le respect de nos compagnons d’armes que nous acquiéront la discipline. L’air à présent songeur du chevalier le laissa perplexe, et il mit bien dix secondes à comprendre son interrogation. Il répondit avec un rire franc. Mais là, la situation n’est pas la même ! C’est ma soeur ! A propos, moi c’est Grimr, de la Maison Kvasir !"

   Jaow, de plus en plus inquiet, serra machinalement la main qui lui était tendue. Décidemment, il aurait du mal à se faire aux coutûmes locales. Après s’être présenté à son tour, il suivit docilement Grimr à travers une forêt sombre et morne, sur la route qui menait au Walhalla.

   Plus au sud, à l’ouest, deux chevaliers d’Argent arrivaient en vue d’un village de bonne taille, ceint d’une haute palissade de bois. En cette fin de journée, l’activité y était intense, et les gens se bousculaient en allant au marché. Maya, enfin dans son élément, eut tout loisir de batailler avec un commerçant, dans un celtique déplorable mais efficace, pour obtenir une remise faramineusement petite sur quelques fruits, uniquement pour le plaisir de marchander. Il obtint même le droit d’emporter le panier qui allait avec, sans avoir remarqué que ledit commerçant avait surtout envie qu’il déguerpisse. Craignant que le chevalier de la Flèche ne pose des problèmes, Yaga l’avait menacé de représailles si il ouvrait encore la bouche pour autre chose que manger ou éventuellement respirer. Le Grec, fâché, se contentait donc d’engloutir ses pommes sans dire un mot. Une agglomération étonnament grande, où ils finirent par se résoudre à demander leur chemin.

"S’il vous plaît. Nous cherchons la communauté de Dagda. Son celtique était rouillé, après toutes ces années passées en Grèce, mais la langue lui revenait plutôt vite, et il n’avait pas de problème pour communiquer avec les gens du coin. La vieille femme en haillons lui indiqua du doigt un bâtiment et chevrotta une réponse.
- Le Seigneur Dagda, notre maître à tous, habite dans ce palais. Allez lui rendre grâce, et présentez-lui vos hommages !"

   Le chevalier d’Orion resta coi. Comment avaient-ils fait pour rater une structure pareille ? Sur un large monticule de terre, au centre du bourg, se dressait un bâtiment de bois, peint de couleurs vives. Le rouge et le bleu dénotaient par rapport aux pauvres bâtisses alentours, qui étaient à peine décorées. Ces couleurs ne faisaient que rajouter à l’impression d’écrasement qu’ils pouvaient ressentir face à l’énorme palais. Empoignant Maya, qui profitait de cette petite pause pour lorgner du côté des fenêtres d’une maison close voisine, il le traîna dans les ruelles crasseuses vers la demeure du seigneur des lieux.

   Dans une salle à manger richement ornée, où se cotoyaient trophées de chasse, armes et armures d’apparat, un homme siègait seul à une immense table, garnie de mets divers, d’une finesse qu’on aurait du mal à dénicher ailleurs. Les quelques gardes présents dans la salle lorgnaient la nourriture avec envie, mais se gardaient bien d’ouvrir la bouche, que ce soit pour baver ou prononcer un mot. Le seigneur n’apprécierait pas. La tête qu’il fit après la première bouchée les rassura encore moins.

"Qu’est-ce que c’est que cette horreur ?! Je vous ai déjà dit que je ne tolérerais pas qu’on se moque de moi de cette façon !
- Mais...maître...tout a été fait à votre convenance, comme d’hab...
- SUFFIT ! J’ai dit : JE NE TOLERE PAS QU’ON SE MOQUE DE MOI ! Gardes, emmenez-le, et passez-lui l’envie de ne pas respecter mes consignes ! Et profitez-en pour me débarrasser de tout ça, c’est infect !"
   
Ecoeuré par des victuailles que n’importe quel humain aurait accepté avec honneur, le seigneur Dagda invita, d’un geste dédaigneux de la main, ses gardes à remplir leur tâche. Avec une grimace de dégoût, il regardait ces innombrables plats, qu’il faudrait jeter. Quelle tristesse. La nourriture étaient quelque chose de sacré, et la gaspiller était un crime impardonnable. Mais d’un autre côté, la massacrer de telle manière était encore moins respectueux. Le cuisinier allait devoir répondre de ses actes, et se soumettre à une punition divine appropriée pour cet outrage. A moins que...il pourrait éventuellement songer à s’en servir pour nourrir ses laquais. Après tout, depuis quelques temps les stock se restreignaient, et ils étaient obligés de se rationner. Si seulement ces crétins n’avaient pas réclamé autant pour quelques bouts de métal...sa rêverie fut interrompue par un serviteur, dans une livrée tellement criarde qu’elle en devenait grotesque, essoufflé après avoir couru. Encore un qui ne respectait pas les consignes basiques de l’hygiène. A ce train d’éxécution-là, les stocks allaient peut-être tenir, après tout.

"Seigneur Dagda ! Deux personnes désirent vous parler ! Dagda interrompit son geste. Il s’apprêtait à signifier à ses gardes qu’il y aurait une autre bouche de moins à sustenter, mais la curiosité prit le dessus.
- Nous n’attendons personne ce soir. Faites-les déguerpir. Nous n’accordons plus audience à cette heure-ci...à moins qu’il s’agisse d’une affaire très importante. Se sont-ils présentés ?
- Euhhhh non...
- Bien. Expulse-les.
- C’est que...je pense que j’aurais du mal tout seul...
- Fais-toi aider alors ! Je ne vais pas le faire moi-même !
- Mais...ils ont molesté la garde régulière, seigneur...
- Je suis vraiment entouré d’incapables...pas fichus de se débarrasser de deux malfrats !
- Seigneur, je ne pense pas que ce soit des malfrats...ils portent d’étranges boîtes métalliques sur le dos, et ont laissé entendre qu’ils étaient en mission...
- TU NE POUVAIS PAS LE DIRE PLUS TôT ! Le ventripotent seigneur se leva d’un bond. Entouré d’incapables, qu’il était. De quelle couleur ?
- Pardon ? Le laquais lança un regard de réelle incompréhension à son vénéré maître. Il ne comprenait pas en quoi une histoire de couleur pouvait être importante.
- LA COULEUR DE CES BOîTES !
- Euuuh...eh bien...je n’ai pas fait très attention...c’est qu’ils étaient vindicatifs...
- Vindicatifs ?
- Quand...quand nous leur avons signifié que vous ne receviez personne à cette heure-ci, ils ont insisté. Nous avons obéi aux ordres et avons employé la force nécessaire mais le petit excité à assommé le capitaine de la garde régulière en lui lançant un trognon de pomme en plein visage. Les autres ont essayé d’intervenir mais...
- Mais ?
- Le grand nerveux s’est servi de l’un d’eux pour défoncer la porte principale...il lui a brisé un genou, puis pour le faire arrêter de hurler l’a projeté de toutes ses forces. Les gonds n’ont pas tenu.
- Par tous les dieux !
- Les dieux soient loués, il ne semble pas y avoir de morts !
- Encore des dépenses...faites venir le forgeron et le charpentier. Qu’ils réparent les dégâts.
- Mais la nuit tombe seigneur...une porte de trois mètres de haut !
- Qu’ils travaillent de nuit. Vous leur donnerez une assiette de ça à chacun en paiement. Dagda eu à peine un regard vers la table. Il avait déjà trop dépensé ces derniers temps. Et puis, un peu de nourriture, même peu à son goût, devrait ensoleiller au moins une de leur journée, d’autant qu’elle viendrait de leur guide spirituel. Un véritable honneur.
- B...bien seigneur. Et les gardes, seigneur ?
- Eh bien fais-les relever ! Un peu de bon sens que diable !
- Ou...oui seigneur...et...et les intrus ?
- Fais-les déguerpir ! Débrouille-toi !
- Vous disiez ?"

   Les deux derniers mots avaient fait sursauter le laquais. Il se mit à trembler comme une feuille, et ne put réprimer un petit cri de frayeur lorsque un jeune homme de haute stature, arborant un sourire aussi carnassier que son regard, fit son entrée dans la salle, un garde visiblement inconscient sous le bras. Le serviteur recula pour aller se terrer derrière une chaise. Une autre personne entra. Un petit bonhomme au traits méditerranéens, des yeux moqueurs, et un panier pleins de pommes au bras. D’une main, il traînait un autre garde sur le sol. Il le balança au milieu de la pièce, posa son panier, fit glisser les lanières de cuir qui retenait cette étrange boîte sur son dos puis s’assit sur cette dernière, nonchalant, avant de croquer dans une nouvelle pomme. Son compagnon, le teint pâle et les yeux noirs, lâcha son garde et croisa les bras. Lui aussi portait une pareille boîte sur le dos. Une urne. Mais pas celle que Dagda attendait. Après quelques secondes de parfait silence, Dagda se reprit. Il était le guide spritiuel de toute une communauté après tout. Il n’allait pas se laisser écraser par deux mioches trop aventureux. Doucement, il laissa son propre cosmos se diffuser dans la pièce, sans aggressivité, avec le plus de naturel possible. Les deux jeunes gens étaient puissants, mais il était parfaitement capable de se défendre. Avec le plus grand des sourire, il ouvrit grand les bras, et s’adressa à ses invités surprises.

"Des chevaliers d’Athéna. Le Sanctuaire aurait dû m’annoncer votre visite ! Nous vous aurions accueilli avec le plus grand plaisir, et avec les honneurs qui vont sont dûs ! Je vous prie d’excusez mes hommes. Ils n’ont fait que leur devoir. Protéger leur guide. Ils ne pouvaient pas savoir."

   Dagda ne manqua pas de remarquer que le « grand nerveux », comme l’avait appelé son serviteur, avait bien du mal à présent à contenir un rictus moqueur et sarcastique. Ce gamin le mettait mal à l’aise, à le fixer comme ça. Qu’importe. Dagda s’arma de son sourire le plus charmeur, et avec d’amples gestes bien trop exagérés, les enjoignit à le rejoindre à table. Il fallait éviter de se brouiller avec le Sanctuaire. Ce n’était vraiment pas le moment. Ca non, ces deux là avaient mal choisi leur jour...

"Venez donc à ma table, partager mon modeste dîner. Puisse-t-il vous convenir. Si ce n’est pas le cas, nous prendrons les mesures nécessaires. Toi ! Il se tourna vers le serviteur, et le pointa du doigt. Rappelle le cuisinier, nous pourrions avoir besoin de ses services. Et cesse de trembler comme ça !"

   Le serviteur s’avança, apeuré, vers l’entrée qu’encadraient les deux chevaliers d’Argent. Il passa doucement, presque sur la pointe des pieds. Quand le petit excité lui fit un signe de la main, tout sourire, il s’enfuit en courant, heureux de pouvoir quitter la pièce.
   Yaga était plutôt content des derniers évènements. Ca faisait longtemps qu’il n’avait pas fait un peu d’exercice. Et puis, ils n’avaient fait que se défendre, après tout. Il se débarrassa enfin de l’urne de son armure, et la posa dans un coin après avoir remercié Dagda de la tête. Il n’arrivait pas à s’empêcher de sourire bêtement chaque fois qu’il voyait le « guide spirituel ». Un gros homme, aussi large que haut en fait. Plus de deux mètres de haut, et probablement pas loin en diamètre. Ou peut-être un peu moins. Qu’importe. Il avait imaginé ce Dagda autrement que comme un gros goret bouffi, engoncé dans des vêtements faits des matières les plus nobles. Etrangement, ses cheveux bouclés et roux, sa peau rose, lui donnaient un air de gros bébé brailleur. Le chevalier d’Orion se retint de pouffer, et alla rejoindre Maya à table. Le petit grec avait déjà commencé à attaquer un poulet. Yaga se demandait où le chevalier de la Flèche pouvait bien mettre tout ça...et après une demi-seconde de reflexion, en conclua qu’il valait mieux ne pas le savoir. Installés, il n’y alla pas par quatre chemins et décida d’entretenir directement leur hôte de leur mission.

"Seigneur Dagda...nous sommes ici pour constater si vous respectez bien les traités passés avec le Sanctuaire.
- Que voulez-vous dire ?
Le seigneur Dagda, visiblement gêné par son col, ou peut-être par autre chose, ne put s’empêcher de le remettre en place deux ou trois fois. Yaga était satisfait. Son entrée avait fait son petit effet, et il était sûr que Dagda lui dirait tout ce qu’il voulait savoir. Finalement, la diplomatie avait du bon. Il entendit vaguement Maya lui marmonner, entre deux mastications, quelques mots qui confirmèrent ses impressions :

"J’te l’avais dit. Une partie de plaisir."

Fin du Chapitre 6

Cette fanfic est la propriété de Nicolas Morgenthaler (c) 2006
Saint Seiya est une création de Masami Kurumada. Tous droits réservés